Le chiffre ne figure dans aucun rapport officiel, mais le détournement de clientèle hante les nuits de bien des entrepreneurs. Ce n’est pas une légende urbaine, mais une réalité que le droit français encadre avec ses propres codes, ses angles morts aussi. Difficile pourtant de savoir à quelle porte frapper quand survient le soupçon, ou la certitude, que sa clientèle a été happée par des moyens discutables.
Qu’est-ce que le détournement de la clientèle ?
Très concrètement, détournement de clientèle ne signifie pas seulement perdre un contrat ou voir filer quelques contacts au profit d’un concurrent. Le droit français parle d’un acte de concurrence déloyale construit autour d’un triptyque : une faute effective, un dommage avéré, et un lien direct entre les deux. En clair : rien à voir avec les aléas ordinaires du marché. Ici, il est question de pratiques critiquables, manœuvres cachées ou stratégies discutablement loyales, qui faussent la concurrence.
Plaider sa cause suppose une préparation rigoureuse. Celui qui se dit victime doit assembler des éléments tangibles : identifier les agissements incriminés, prouver l’ampleur du basculement, remonter la chronologie, chiffrer sa perte. Aucun raccourci possible ; la charge de la preuve repose uniquement sur les épaules du plaignant.
Comment sont jugés les litiges entre professionnels ?
Dès lors que l’opposition surgit entre deux sociétés, la suite prend forme au tribunal de commerce. Cinq années : c’est le laps de temps dont dispose l’entreprise pour engager une action à compter de la découverte du préjudice, ou de la fin des faits. L’affaire atterrit alors sur le bureau du juge qui, chiffres, documents et rapports d’experts en main, mesure la solidité des accusations et la réalité du tort subi.
Litiges entre particulier et professionnel : quel tribunal saisir ?
Quand la suspicion se porte sur un particulier, salarié ou ex-salarié, accusé d’avoir siphonné les clients de son employeur, c’est le Tribunal de grande instance qui doit statuer. Toutefois, si un salarié freshly reconverti s’associe ou crée sa propre entreprise, et que cette nouvelle entité se retrouve à son tour accusée, le dossier bascule vers le tribunal de commerce, comme pour un différend entre entreprises.
De telles procédures ne sont pas des cas d’école, loin de là. Au fil des conflits, les grandes structures n’hésitent pas à actionner ce levier pour tenter de protéger leurs intérêts face à une poignée de nouveaux venus parfois à peine installés. Derrière ces combats juridiques, il y a tout un pan invisible de stratégies de survie, d’opportunités saisies et de carrières mises en péril, bien avant que la justice ne statue.
Le jour où la suspicion de détournement de clientèle frappe, ce ne sont pas que des parts de marché qui vacillent. Ce sont des liens tissés sur des années, une identité professionnelle, parfois la viabilité d’une activité tout entière. Entre prudence et efficacité, rester informé et réactif fait la différence. Tout le reste dépendra du juge… et de la ténacité de chacun.

